Résidences de tourismes : inapplicabilité de l’article L. 145-7-1 du Code de commerce aux baux renouvelés (Cass 3e Civ., 7 septembre 2023, pourvoi n° 21-14.279)
L’une des innovations majeures de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, dite loi Novelli, est la création, à l’article L. 145-7-1 du code de commerce, d’un bail à durée ferme.
Aux termes de ce texte, les baux commerciaux signés entre les propriétaires et les exploitants de résidences de tourisme mentionnées à l’article L. 321-1 du code du tourisme sont d’une durée de neuf ans minimum, sans possibilité de résiliation à l’expiration d’une période triennale. Il s’agit d’une dérogation à la faculté de résilier le bail à échéance triennale, reconnue au locataire par l’article L. 145-4 du code de commerce.
Ce texte est d’autant plus dérogatoire qu’un texte ultérieur, la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi Pinel, a interdit la stipulation de clauses contraires à la faculté de résiliation triennale sauf pour les baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans, les baux monovalents, les baux de locaux à usage exclusif de bureaux et de stockage.
Dans une décision de refus de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation a estimé que « la différence de traitement existant entre les preneurs de logements situés dans une résidence de tourisme classée, qui seuls ne peuvent user de la faculté de résiliation triennale, et les autres locataires commerciaux, est justifiée par un motif d’intérêt général d’ordre économique tenant à la nécessité de garantir la pérennité de l’exploitation des résidences de tourisme classées, lequel est en rapport avec l’objet de la loi qui est de protéger les propriétaires du risque de désengagement, en cours de bail, des exploitants » (3e Civ., 16 mars 2017, pourvoi n° 16-40.268 et s., Bull. 2017, III, n° 40).
Elle a consacré le caractère d’ordre public de ce texte et a tranché en faveur de son application aux baux en cours au jour de son entrée en vigueur (3 e Civ., 9 février 2017, pourvoi n° 16-10.350, Bull. 2017, III, n° 19).
Cette décision concernant un bail conclu deux années avant l’entrée en vigueur de la loi Novelli, la doctrine et les praticiens s’interrogeaient sur sa portée quant aux baux renouvelés : le bail renouvelé est-il également un bail ferme ?
La solution ne ressortant pas d’évidence de la lettre du texte, les cours d’appel étaient divisées sur la réponse à apporter à cette question aux enjeux importants.
Dans un arrêt de la 3e Civ., 7 septembre 2023, pourvoi n° 21-14.279, publié au Bulletin, la Cour de cassation, s’est prononcée en faveur de l’inapplicabilité de l’article L. 145-7-1 du code de commerce aux baux renouvelés. En effet, il résulte des travaux parlementaires que l’objectif poursuivi par le législateur est de rendre fermes les baux commerciaux entre l’exploitant et les propriétaires d’une résidence de tourisme classée, afin d’assurer la pérennité de l’exploitation pendant une période initiale minimale de neuf ans.
L. 145-12 du code de commerce d’ordre public (3 e Civ., 2 octobre 2002, pourvoi n° 01-02.781, Bull. 2002, III, n° 194) prévoit que sauf accord entre bailleur et locataire pour une durée plus longue, la durée du bail renouvelé est de neuf ans, et les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 145-4 du même code, relatives au droit de résiliation du locataire et du bailleur, sont applicables au cours du bail renouvelé.
La Cour de cassation en déduit que les baux renouvelés, même ceux portant sur des résidences de tourisme, sont régis par l’article L. 145-12 du code de commerce.
L’arrêt de la 3e Civ., 7 septembre 2023, pourvoi n° 21-14.279 est publié au Bulletin.
Virginie HEBER-SUFFRIN
Avocate en baux commerciaux
Commercialisation de locaux commerciaux
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