Loyers Covid et perte de la chose louée : cour d’appel Versailles 4 mars 2021 n° 20/02572 et autres décisions
La Cour d’appel de Versailles statuant en référé a considéré que la perte partielle de la chose louée constitue une contestation sérieuse s’opposant au paiement des loyers et charges pendant les périodes de fermeture administrative.
L’article 1722 du Code civil dispose que :
« Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.»
La cour d’appel retient que même « s’il n’y a pas destruction physique du bien objet du bail, il y a juridiquement perte lorsque le locataire ne peut plus jouir de la chose louée ou ne peut plus en user conformément à sa destination.
En l’espèce, selon les stipulations du bail commercial du 17 avril 2014, les biens loués sont destinés exclusivement aux activités de :
– vente de robes de mariées, de soirée, de cocktail, toutes tenues de cérémonie et tous modèles de couture ou prêt à porter, textile ou vêtement,
– négoce de tous articles de mode se rapportant à la personne : ceintures, sacs, bijouterie fantaisie, montres, cadeaux accessoires, gadgets cosmétiques et toutes branches annexes,
– toutes prestations de service se rapportant aux cérémonies nuptiales, civiles et religieuses,
et généralement toutes opérations quelconques pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet ci-dessus défini, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société preneuse.
Ainsi, il en résulte que les locaux loués ont été soumis à l’interdiction d’ouverture puis à l’interdiction pour la population de se déplacer.
Il est ainsi établi que durant la période concernée,[ le Locataire] n’a pu ni jouir de la chose louée, ni en user conformément à sa destination.
Dans ces conditions, l’allégation par le locataire de la perte partielle des locaux loués en application des dispositions de l’article 1722 du code civil revêt le caractère d’une contestation sérieuse opposable à son obligation de payer le loyer et les charges pendant la période de fermeture contrainte du commerce.
Le montant des loyers sur la période allant du 16 mars au 10 mai 2020 évalué à la somme de 12 008,59 euros, présenté aux termes de calculs précis dans ses conclusions par la société A. n’est pas contesté en tant que tel par le bailleur ».
La Cour d’appel de Versailles dit n’y avoir lieu à référé.
Lire l’arrêt de la cour d’appel de Versailles 4 mars 2021 n° 20/02572
Attention : il s’agit d’une décision d’appel sur une ordonnance de référé et non d’une décision statuant au fond. A défaut d’accord amiable entre le bailleur et le locataire, le bailleur devra saisir le juge judiciaire pour obtenir une décision au fond.
Cet arrêt doit être rapprochée de décisions prises dans le même sens :
- 27 octobre 2020 Tribunal judiciaire Paris JEX n°20/81460 – perte chose louée : « Il se déduit de ce texte que l’impossibilité objective pour le locataire de jouir de la chose louée conformément à sa destination peut le libérer, pour tout ou partie, définitivement ou temporairement, de son obligation de payer le loyer contractuel. »
Lire le jugement du 27 octobre 2020 du JEX du Tribunal judiciaire Paris n°20/81460
- 20 janvier 2021 Tribunal judiciaire Paris JEX n°20/80923 – Perte chose louée
Le JEX (Juge de l’Exécution) du Tribunal judiciaire de Paris dans un jugement du 20 janvier 2021 a jugé que l’impossibilité juridique d’exploiter les lieux loués en raison d’une décision des pouvoirs publics survenue en cours de bail est assimilable à la perte de la chose louée (Article 1722 du Code civil).
Le locataire commercial, qui ne peut jouir de la chose louée, est libéré de l’obligation de payer le loyer et ne peut se voir réclamer le paiement des loyers sur la période allant du 16 mars au 11 mai 2020.
La mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur la base d’un acte notarié doit, en conséquence, être ordonnée à hauteur des loyers correspondants.
Lire le jugement du JEX du Tribunal Judiciaire Paris du 20 janvier 2021 n°20/80923
Cette décision doit être rapprochée de décisions prise dans un sens contraire :
- 11 décembre 2020 Tribunal de commerce Paris Référé 2020035120 – perte chose louée : « Même si l’accès du lieu loué a été temporairement interdit au public, les mesures sanitaires n’ont pas fait cesser sa mise à disposition par le bailleur, ni la possibilité pour le locataire d’en jouir puisqu’il pouvait toujours y accéder physiquement ».
- 24 décembre 2020 Tribunal Judiciaire d’Angers n°20/00527
Lire le jugement du 24 décembre 2020 du Tribunal Judiciaire d’Angers n°20/00527
- 19 février 2021 Tribunal Judiciaire de Strasbourg n°20/00552
Lire le jugement du 19 février 2021 du Tribunal Judiciaire de Strasbourg n°20/00552
Besoin d’un conseil ? Nous sommes à votre écoute : 01 47 64 16 17 – Email
Virginie HEBER-SUFFRIN
Avocate
HSA AVOCATS
15, rue Théodule Ribot – 75017 Paris
Métro Terne (Ligne 2) ou Métro Courcelles (2)
Parking : Wagram – Arc de Triomphe